mardi 1 mars 2011

Entendre... les malotrus

Ma voisine a des problèmes. Ma voisine a des problèmes avec sa porte. Elle ne sait ni l’ouvrir ni la fermer correctement. Elle la claque. En entrant, en sortant. À n'importe quel moment du jour et de la nuit. S'acharnant parfois sur la serrure, s’y reprenant à plusieurs fois, signalant ainsi sa présence. Pourquoi ? J'aimerais lui proposer mon aide, lui prêter un rabot. Et réparer cette porte récalcitrante.
Je cohabite avec des éléphants. Un vrai troupeau dans l’escalier, quand ça monte et ça descend. Des malotrus, et mal élevés en plus de ça !
Quelle vieille bique j’aurais faite si j’avais été gardienne d’immeuble ! Dans ma loge, derrière mon rideau en crochet, un châle mauve sur les épaules et mes dents dans un verre d’eau ? Je ronchonne comme une vieille gardienne d’immeuble.
Mais, à présent, je perçois les bruits, les craquements, toutes les allers-venues. De tous les étages, me parviennent les éclats de voix, les haussements de tons, les pas qui résonnent, les rires qui s’emmêlent. Les coups tapés aussi et les disputes à peine étouffées. Tout est clair.

C'est une bonne chose, en soi.

Ce matin, je n’ai pas eu le choix. Le métro s’y est mis aussi et s’est rangé de son côté, comme un complot. Bloqués entre deux stations, derrière un train contraint de « vider » ses passagers sur le quai, c’est là qu’une conversation a envahi le silence. D’une façon extraordinaire, j’ai tout appris de sa vie. Ou presque. Les passagers et moi n’en avons pas loupé une miette. Yeux et oreilles grands ouverts d’étonnement, de stupéfaction surtout. Cette jeune femme accompagnée de ses deux enfants répond au téléphone. Alors que je m’attends à que ce soit bref, juste parce que moi, je ne m’attarde jamais à parler dans les transports et j’imagine que tout le monde fait de même, elle ne raccroche pas et la discussion s’installe. Apparemment, c’est la nourrice des enfants ou une assistante sociale. Elle lui explique qu’elle arrive vers 10h, qu’elle a deux rendez-vous très importants avant. Et sans parler à voix basse, lui rappelle que le père de ses enfants ne doit absolument pas aller les chercher à l’école. Interdit. Elle est en jugement. Enfin, un truc du genre. Qu’elle a du aller au commissariat, y passer 4 heures, qu’elle est revenue très fatiguée. Le beau-père s’en ai mêlé. Et les enfants s’écrient « appeler la police, appeler la police ! ». Du grand déballage.

Tous ces détails, ces moments difficiles sortent sans retenue de la bouche de cette jeune femme et se glissent dans les oreilles des gens, étonnés, un peu gênés et agacés de subir cette intimité.
Comment peut-on être à ce point indifférent à son entourage, au regard posé sur soi, pour livrer ainsi à des inconnus un morceau de soi, de sa vie, si personnel, si douloureux ? Est-ce que l’impudeur a laissé la place au mépris, au désintérêt ou à l’irrespect ? C’était juste de l’impolitesse et j’en ressors tout étonnée. Et moins drôle que d’habitude, j’en conviens. Un effort à faire la prochaine fois.